Alliance des Etats du Sahel : la guerre psychologique bat son plein !

De la guerre totale

La guerre totale menée contre les Etats de l’Alliance du Sahel (AES) comprend la menace d’une intervention militaire armée brandie par la CEDEAO contre le Niger, les pressions politique et diplomatique, les sanctions économiques et la guerre psychologique (ou cognitive). L’objectif de cet article est de parler de la guerre psychologique mais avant, jetons un coup d’œil sur la liste des sanctions de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) contre le Niger :

1. La fermeture des frontières aériennes et terrestres entre le Niger et les pays de l’UEMOA ;

2. L’interdiction de survol de l’espace à tout aéronef en provenance ou à destination du Niger ;

3. La suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les pays de l’UEMOA et le Niger y compris celles portants sur les produits pétroliers, l’électricité, les médicaments…⁠

4. ⁠La suspension de toutes les transactions financières entre les pays de l’UEMOA et le Niger ;

5. Le gel des avoirs financiers et monétaires de l’Etat du Niger à la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et dans les banques commerciales des pays de l’UEMOA ;

6. ⁠Le gel des avoirs financiers et monétaires des entreprises publiques et parapubliques du Niger à la BCEAO et dans les banques commerciales des pays de l’UEMOA ;

7. La suspension des opérations financières entre les banques du Niger et les banques installées dans les autres pays ;

8. ⁠La suspension de toute assistance et transaction financière en faveur du Niger par les institutions de financement de l’UEMOA ;

9. L’interdiction de voyage pour les auteurs de cette tentative de coup d’État, le gel de leurs avoirs et la confiscation de leur patrimoine ;

10. L’interdiction de voyager, le gel des avoirs ainsi que la confiscation des biens s’applique à toutes les personnes civiles ou militaires qui participeraient à des institutions et organes de gouvernement que tenteraient de constituer les militaires dans ce coup de force. Elles s’appliqueraient également aux familles des personnes concernées qui seraient en outre interdites de séjour dans les pays de l’espace UEMOA.


A cette liste s’ajoutent les sanctions de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) que les pays de l’AES ont décidé de quitter depuis le 28 janvier 2024, suite à la signature de la Charte du Liptako-Gourma le 16 septembre 2023. L’institution régionale vieille de plus de 40 ans, a pris ses sanctions contre le Niger, en violation flagrante de certains de ses textes comme l’article 68 du chapitre 13 du traité révisé de 2010, l’article 45 du protocole additionnel de 1999 sur la démocratie et la bonne gouvernance ou la Convention de Vienne de 1969 sur les droits des traités. Il faut souligner que les sanctions font parties des instruments de la guerre totale qui peuvent avoir des conséquences plus dramatiques que la guerre armée.


Dans son excellent livre The Economic Weapon[1] (Yale, 2022), Nicholas Mulder, brillant chercheur néerlandais travaillant à l’université́ Cornell, aux États-Unis, nous rappelle, que les sanctions de la Société́ des Nations (SDN) se sont inspirées du blocus allié (France, Grande Bretagne, Italie, Russie, Etats-Unis) de 1914-1918, qui a fait 300 000 morts dans les empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie) et de 500 000 dans l’Empire ottoman. Les sanctions économiques[2] contre le régime de Saddam Hussein, quant à elles, ont fait 300 000 morts. Les sanctions ont pour objectif la déstabilisation de la société́ adverse et la destruction de son régime – en commençant par la mort de ses vieux et de ses enfants.


La guerre psychologique


La guerre marque la confrontation de deux volontés[3]. L’une des deux doit céder, soit sous l’effet d’une force matérielle (la guerre armée), soit sous la suggestion d’une volonté supérieure (la guerre psychologique ou cognitive).


La guerre psychologique vise à modifier, dans un sens déterminé, le comportement des individus — adversaires ou alliés — en agissant sur leur intelligence, leur esprit, leur conscience… sans qu’il soit directement fait appel à la violence matérielle (la guerre armée). Il apparaît, dès l’abord, qu’elle représente la forme la plus perfide de la guerre puisqu’elle utilise tous les procédés susceptibles d’atteindre le cœur de l’homme (ses émotions), son intelligence (ses capacités intellectuelles) et sa sensibilité (ses convictions politiques ou religieuses). Elle est permanente, puisqu’aussi bien c’est à chaque minute de sa vie que l’homme peut être atteint dans ses pensées ou ses sentiments. Elle ne connaît donc ni trêve ni armistice. Le temps de paix se révèle même infiniment plus propice pour elle que le temps de guerre, grâce à la multiplicité des voies qui s’ouvrent alors à son action.


Aussi vieille que le monde, il fallut attendre le XXe siècle pour voir la guerre psychologique jouer le rôle capital qui est le sien aujourd’hui. Autrefois, le caractère rudimentaire des moyens techniques de diffusion de la pensée rendait difficile et lente toute action psychologique sur les populations. La bataille était le procédé commode et rapide et la solution intervenait dans des limites restreintes d’espace et de temps. La guerre psychologique se réduisait alors à cette action psychologique sur les combattants. Son rôle, dans la victoire, était certes considérable et tout le génie du grand général africain Hannibal, le plus grand stratège militaire de tous les temps, est d’en avoir usé avec une suprême habileté. Mais son champ d’action était restreint. Elle ne sortait point de la compétence des chefs de guerre. Elle ne constituait que l’un des éléments de la stratégie militaire.


Au fur et à mesure que s’accélérèrent les progrès scientifiques et techniques (technologies de l’information), la guerre changea radicalement d’aspect. Il ne fut plus question d’une affaire à régler en champ clos entre quelques spécialistes, mais toutes les couches de la société se trouvèrent peu à peu appelées à y prendre une part active. En dehors des combattants, chacun devient un producteur ou une victime possibles.


Aujourd’hui, les grands médias de masse (CNN, BBC, RFI, AL JAZEERA, RUSSIA TODAY, CCTV, CGTN…), les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, la férocité de la guerre économique, la recomposition géopolitique mondiale… propulsent la guerre psychologique dans une ère où nos cerveaux deviennent les principaux champs de bataille.


LE CAMP QUI SUCCOMBERA A LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE DE L’ENNEMI PERDRA LA GUERRE !

Adamou BOUBACAR

Professeur de Biotechnologie-Santé-Environnement

Directeur de Sahel Agropole
Président de l’Institut de Défense Globale du Sahel (IDGS)


[1] Nicholas Mulder, The Economic Weapon[1] (Yale, 2022)

[2] https://www.afrique-asie.fr/la-fausse-conscience-de-loccident/

[3] https://www.defnat.com/e-RDN/vue article.php?carticle=315&cidrevue=046#:~:text=La%20guerre%20psychologique%20vise%20%C3%A0,appel%20%C3%A0%20la%20violence%20mat%C3%A9rielle.







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