Les enjeux stratégiques de l’économie informelle en Afrique

Qu’est-ce que l’économie informelle ?

L’économie informelle regroupe l’ensemble des activités économiques qui échappent à la régulation ou au contrôle de l’État. Elle inclut des entreprises non enregistrées, des emplois non déclarés, et des travailleurs sans protection sociale ou contrat formel[1]. L’économie informelle, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), est définie comme « les activités économiques des travailleurs et des unités économiques qui ne sont pas couvertes – en droit ou en pratique – ou insuffisamment couvertes par des dispositifs formels. »[2] L’informalité est un concept complexe, qui couvre à la fois les individus et les entreprises qui travaillent dans l’économie informelle pour de nombreuses raisons.

 Caractéristiques principales

L’économie informelle englobe des activités allant du commerce ambulant, de l’artisanat et des services domestiques à des secteurs nécessitant plus de compétences et d’investissements, comme la réparation automobile ou le recyclage[3]. Les unités économiques et les travailleurs opérant dans ce secteur ne sont pas couverts par les cadres légaux ou fiscaux, ce qui les exclut souvent de la protection sociale et des avantages liés à l’économie formelle[4]. Les raisons d’intégrer le secteur informel peuvent inclure la survie économique en l’absence d’emploi formel, le désir d’indépendance, ou la recherche d’opportunités lucratives.

 Différences avec d’autres concepts

Contrairement à l’économie criminelle ou illégale, la majorité des activités informelles sont légales mais non déclarées. Elles ne visent pas nécessairement à éviter les taxes ou les réglementations mais cherchent à réduire les coûts de production[5]. L’économie informelle coexiste souvent avec le secteur formel, créant une « zone grise » où certaines entreprises ou travailleurs alternent entre les deux systèmes selon leurs besoins et contraintes[6].

 Importance mondiale

L’économie informelle représente environ 60 % de la population active mondiale, soit près de 2 milliards de travailleurs. Elle contribue significativement au PIB dans les pays en développement (jusqu’à un tiers de l’activité économique), bien que sa taille tende à diminuer avec le développement économique[7].

En conclusion, l’économie informelle est un pilier essentiel dans de nombreux pays, notamment ceux à faible revenu. Elle offre une flexibilité économique et une source de revenus pour les populations vulnérables tout en posant des défis en matière de régulation et de protection sociale.

 L’économie informelle en Afrique : Forces et faiblesses

L’économie informelle en Afrique représente une part significative des activités économiques et de l’emploi sur le continent. Elle est à la fois une opportunité pour le développement et un défi pour les politiques publiques. Cet article examine les forces et les faiblesses de ce secteur crucial.

Forces de l’économie informelle

Contribution au PIB et à l’emploi : L’économie informelle[8] constitue entre 50 % et 65 % du PIB dans les pays d’Afrique subsaharienne, atteignant même 90 % de l’emploi dans certains pays comme le Cameroun et le Sénégal[9]. Elle offre une source de revenus essentielle pour des millions de personnes, particulièrement dans des contextes où les opportunités d’emploi formel sont limitées.

Flexibilité et résilience : Les activités informelles, telles que le commerce, l’artisanat ou les services locaux (plomberie, mécanique), sont souvent adaptées aux besoins locaux et permettent une grande flexibilité économique. Elles jouent un rôle clé dans la survie économique des populations vulnérables[10].

 Innovation et entrepreneuriat : Le secteur informel est un vivier d’initiatives entrepreneuriales. Il permet à des micro-entreprises innovantes de se développer, constituant ainsi une base pour un futur secteur privé structuré[11].

 Soutien social et financier : Les mécanismes d’épargne informels, tels que les tontines (systèmes de mutualisation financière), offrent des solutions alternatives au faible taux de bancarisation en Afrique subsaharienne (environ 20 %).

Faiblesses de l’économie informelle

Absence de régulation et faible productivité : Les entreprises informelles échappent souvent aux réglementations fiscales et administratives, ce qui limite leur contribution directe au financement public. Leur productivité est généralement inférieure à celle des entreprises formelles[12].

Précarité des emplois : Les emplois dans le secteur informel sont souvent précaires, sans protection sociale ni sécurité juridique. Cela accentue la vulnérabilité économique des travailleurs.

Obstacle à l’émergence économique : Bien que l’informel soutienne la survie économique, il peut freiner la transformation structurelle nécessaire à l’émergence économique. La coexistence avec le secteur formel crée parfois des distorsions économiques.

Difficultés liées à la gouvernance : La mauvaise gouvernance et l’incapacité des institutions publiques à intégrer ou formaliser ces activités freinent leur potentiel. Les politiques macroéconomiques inefficaces aggravent cette situation.

Perspectives pour le développement

Pour maximiser les bénéfices du secteur informel tout en réduisant ses faiblesses, plusieurs pistes peuvent être envisagées :

  • Encourager la formalisation progressive, notamment par des incitations fiscales adaptées et un soutien aux micro-entreprises innovantes. Il faut éviter de criminaliser les acteurs de l’économie informelle en Afrique car ils sont indispensables dans la création de richesse nationale.
  • Renforcer la gouvernance publique, en améliorant les infrastructures administratives pour intégrer les acteurs informels dans l’économie nationale.
  • Développer des programmes sociaux, garantissant une protection minimale aux travailleurs du secteur informel tout en favorisant leur transition vers des emplois formels.

L’économie informelle, bien qu’hétérogène et complexe, reste une composante essentielle du paysage économique africain. Sa gestion stratégique pourrait transformer ce défi en levier de croissance durable pour le continent.

 

Adamou BOUBACAR
Professeur de Biotechnologie-Santé-Environnement
Fondateur et Directeur de Sahel Agropole
Président de l’Institut de Défense et de Sécurité Globales du Sahel

 

[1] https://www.wiego.org/fr/leconomie-informelle/

[2] https://www.ioe-emp.org/index.php?eID=dumpFile&t=f&f=155932&token=bc1a8e2afab29144c65b9713bb8e302ce4a8eec7#:~:text=L’%C3%A9conomie%20informelle%2C%20selon%20l,est%20un%20concept%20complexe%2C%20qui

[3] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Building_the_System_of_National_Accounts_-_informal_sector%2Ffr

[4] https://www.ioe-emp.org/index.php?t=f&f=155932&token=bc1a8e2afab29144c65b9713bb8e302ce4a8eec7

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_informelle

[6] https://books.openedition.org/iheid/2743?lang=fr

[7] what-is-the-informal-economy-basics IMF

[8] https://www.cnccef.org/wp-content/uploads/2020/11/Article-informel-Afrique.pdf

[9] https://www.monde-diplomatique.fr/mav/143/CESSOU/53893

[10] https://guide.dadupa.com/le-secteur-informel-en-afrique/

[11] https://www.cnccef.org/wp-content/uploads/2020/11/Article-informel-Afrique.pdf

[12] https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2019-v50-n1-ei04809/1062819ar.pdf

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1 Comments

  • Kiki
    Posted 17 avril 2025 8h49 0Likes

    Surtout dans les pays en voie de développement ou peu de choses sont régulées. Et plutôt que de la ( l’économie informelle ) combattre exagérément parfois, on ferait mieux de prendre plus en compte ses bons côtés

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