Prospective : Les futurs possibles des Etats de l’Alliance du Sahel (AES)

En faisant de la prospective, ensemble de recherches concernant l’évolution future des sociétés et permettant de dégager des éléments de prévision, nous pouvons imaginer les évolutions de la situation pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger après leur retrait de la CEDEAO (Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest). Voici neuf scénarios[1] possibles :

Scénario 1 : Intégration réussie dans de nouvelles alliances

Dans ce scénario optimiste, les trois pays réussissent à négocier rapidement des accords bilatéraux et multilatéraux avantageux, ce qui compense la perte du marché et de l’appui de la CEDEAO. Ils parviennent à attirer des investissements significatifs grâce à une politique économique dynamique et innovante, à la stabilité régionale et à des incitations attrayantes pour les investisseurs nationaux et internationaux. Cette intégration réussie entraîne une croissance économique durable et une diversification des économies qui les rend moins vulnérables aux chocs externes. L’alliance militaire défensive de ses trois Etats va permettre de sécuriser leur future zone d’intégration économique. Il est illusoire de créer une zone d’intégration économique sans parapluie sécuritaire.

Scénario 2 : Vers une nouvelle union régionale

Dans un scénario alternatif, le retrait de la CEDEAO sert de catalyseur pour la consolidation de l’Alliance des États du Sahel (AES) avec à la clé, une nouvelle union économique régionale, peut-être avec des membres qui partagent des perspectives et des objectifs plus similaires. Cette nouvelle union pourrait être fondée sur des principes de coopération plus équilibrés, qui tiennent compte des leçons apprises du passé. Avec de nouveaux cadres en place pour la coopération économique, politique et sécuritaire, les trois pays parviennent à créer un bloc régional plus cohérent et stratégiquement fort. Le projet de confédération de l’Alliance des Etats du Sahel proposé par les ministres des affaires étrangères des trois pays, et sérieusement étudiés par les experts de ces pays va créer une nouvelle dynamique régionale et continentale.

Scénario 3 : Transition difficile suivie d’une reprise graduelle

Dans ce scénario intermédiaire, les pays subissent initialement les conséquences économiques négatives de leur sortie de la CEDEAO, mais parviennent progressivement à stabiliser leur situation. Après une période de réajustement économique difficile, caractérisée par l’inflation et la perte de revenus, ils entament une lente reprise en s’appuyant sur des politiques de diversification économique et en tirant parti de leurs ressources naturelles et humaines. Avec le temps, ils commencent à montrer des signes de croissance et d’amélioration de la qualité de vie de leurs citoyens.

Scénario 4 : Sortie de l’UEMOA et création d’une monnaie propre

Dans ce scénario, les trois pays décident de quitter l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africain) et la zone Franc CFA, cherchant ainsi à établir une plus grande autonomie monétaire. Cette décision, bien que risquée, pourrait leur permettre de contrôler davantage leurs politiques monétaires, adaptées à leurs besoins économiques spécifiques. Le processus de création d’une nouvelle monnaie serait complexe et exigerait une gestion prudente pour éviter l’instabilité financière. En cas de réussite, cela pourrait mener à une meilleure autonomie économique et à une capacité accrue de répondre aux chocs économiques internes et externes.

Scénario 5 : Isolement économique et instabilité

Dans un scénario moins favorable, le retrait de la CEDEAO conduit à une période prolongée d’isolement économique. Les tentatives de formation de nouveaux partenariats échouent en raison de l’instabilité politique, et les investisseurs internationaux se montrent réticents à s’engager dans des économies jugées à risque. Cette situation entraîne une stagnation économique et des difficultés accrues pour la population, avec des répercussions négatives sur la stabilité sociale et politique.

Scénario 6 : Difficultés économiques et financières suite à la sortie de l’UEMOA

Dans ce scénario, la sortie de l’UEMOA et la création d’une nouvelle monnaie entraînent des défis économiques et financiers majeurs. La transition vers une nouvelle monnaie pourrait entraîner une instabilité financière, une perte de confiance des investisseurs et une inflation élevée. Sans le soutien et la stabilité offerts par l’UEMOA et la zone Franc CFA, les pays pourraient avoir du mal à attirer des investissements étrangers et à stabiliser leurs économies.

Scénario 7 : Renforcement de la coopération Sud-Sud et diversification économique

Dans ce scénario, les pays exploitent leur sortie de la CEDEAO et de l’UEMOA comme une opportunité pour renforcer la coopération Sud-Sud. Ils établissent des partenariats avec d’autres nations africaines et des blocs économiques pour diversifier leurs économies et réduire leur dépendance vis-à-vis des anciennes puissances coloniales. Cette démarche pourrait favoriser l’autosuffisance, la résilience économique et ouvrir de nouveaux marchés pour leurs produits et services.

Scénario 8 : Isolement international et défis de légitimité

Dans ce dernier scénario, la décision de quitter l’UEMOA et de renoncer au Franc CFA pourrait conduire à un isolement international. Les pays pourraient se trouver confrontés à des défis de légitimité sur la scène internationale, affectant leur capacité à négocier des accords commerciaux et à attirer des investissements étrangers. Cet isolement pourrait également entraîner des difficultés à obtenir des prêts internationaux et une aide financière, avec une impossibilité d’accès au marché international, notamment celui de l’UEMOA Titre, exacerbant les défis économiques et sociaux internes.

Scénario 9 : Chaos Politique et Instabilité : Le risque de coups d’État successifs au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES)

Considérant le contexte de fragilité politique au sein des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), un scénario supplémentaire à envisager serait celui d’une instabilité politique croissante entraînant des changements de régime fréquents. Dans ce scénario, la région pourrait connaître une série de coups d’État, exacerbant l’instabilité et menaçant la cohésion de l’Alliance. Cette instabilité pourrait entraîner des conséquences économiques et sécuritaires graves, y compris une détérioration des conditions de vie des populations, une augmentation des conflits internes, et une difficulté accrue à attirer des investissements étrangers et à maintenir des relations diplomatiques stables avec d’autres nations.

Ces scénarios offrent un aperçu des possibles trajectoires économiques et politiques que pourraient emprunter le Mali, le Burkina Faso et le Niger à la suite de leur décision audacieuse de redéfinir leur positionnement régional et international. Ces développements hypothétiques soulignent la complexité et l’incertitude des choix stratégiques auxquels ces nations sont confrontées. Il convient de préciser que ces scénarios ne sont pas mutuellement exclusifs et pourraient se manifester en combinaison ou évoluer progressivement de l’un à l’autre en fonction des décisions politiques prises, des dynamiques économiques globales, et des relations internationales futures.

Adamou BOUBACAR

Professeur de Biotechnologie-Santé-Environnement

Directeur de Sahel Agropole

Président de l’Institut de Défense Globale du Sahel (IDGS)

[1] SISSOKO, E. F., GUINDO, L. A., & TRAORE, A. L. (2024). L’économie post-CEDEAO : Défis et opportunités pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger. International Journal of Accounting, Finance, Auditing, Management and Economics, 5(1), 289-307. https://doi.org/10.5281/zenodo.10608041

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