Afrique : Pour un système national et continental d’intelligence économique !

En Afrique dite francophone, le système mafieux de la françafrique n’a pas réussi à apporter la prospérité économique et sociale. Par exemple au Sénégal chaque année environ 300 000 jeunes arrivent sur le marché du travail et très peu accèdent à un emploi décent. Pour le reste, c’est soit le chômage ou l’immigration clandestine. Eh oui, le vote ne se mange pas !

A l’échelle du continent africain, chaque année environ 20 millions de jeunes arrivent pour la première fois sur le marché du travail selon un rapport du FMI. Ces chiffres varient d’une institution à l’autre mais tout le monde s’accorde à dire que les économies africaines ne peuvent pas absorber toute cette force de travail. Le chômage des jeunes constitue sans doute le grand défi africain du siècle. « Toutes les 24 heures, il y a 33 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail en Afrique », avertit le financier Jean-Luc Konan, en marge de l’Africa CEO Forum de 2023. Pour le fondateur de Cofina, leader régional de la mesofinance, il urge de trouver des solutions. « Nous devons nous occuper de ces jeunes où ils s’occuperont de nous. »

Le constat amer qui se dégage est que les modèles de développement économiques proposés par la françafrique, le FMI, la Banque Mondiale, la Banque africaine de développement… et acceptés docilement par la plupart des dirigeants africains, ont lamentablement échoué. Les économies africaines ne se sont pas suffisamment industrialisées et intégrées dans l’économie mondiale pour créer la prospérité économique et sociale tant attendus par les peuples africains. En refusant d’opérer une rupture épistémologique, en pensant et en agissant en fonction des intérêts de leurs pays, la plupart des dirigeants africains ont condamné leurs peuples à la pauvreté.

Pour sortir de ce cycle infernal, il faut d’urgence mettre en place un système d’intelligence économique national et continental, dans le cadre du marché de libre-échange continental, afin de gagner la compétition économique mondiale. Par exemple, en 1945 après la défaite militaire humiliante les élites politiques, économiques et militaires japonaises ont mis en place un système national d’intelligence économique pour rattraper leur retard sur les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest. Ils ont refusé les modèles proposés par les Etats-Unis, le FMI et la Banque Mondiale.

Ce système, essentiellement piloté par l’administration japonaise, fait du recueil de l’information et de sa circulation dans l’ensemble du tissu économique du pays la principale force de son économie. Pour les japonais, l’information est le nerf de la guerre économique. En 1945, ils doivent faire un choix pour redresser leur pays : soit ils investissent dans la recherche fondamentale et appliquée dans l’espoir de combler leur retard sur l’Europe et les Etats-Unis, politique opérante mais dont les résultats sont longs à venir ; soit ils s’arrangent pour « récupérer » les secrets technologiques de leurs alliés pour en faire profiter leurs entreprises, politique plus risquée mais qui garantit de bons résultats dans un laps de temps assez court. Le Japon opte pour la seconde solution. Il dispose de deux moyens pour atteindre son objectif : aller chercher légalement les informations commerciales, technologiques et scientifiques accessibles en sources ouvertes, et voler les secrets techno-scientifiques des concurrents. Pour les sources ouvertes, les japonais n’ont que l’embarras du choix. En Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, leur appétit pour les journaux, les revues et les magazines spécialisés est sans fin. Idem pour la documentation qu’ils récupèrent dans les salons professionnels, les colloques, les symposiums… Ils profitent aussi très largement des législations libérales en matière de transparence de l’information de l’Europe et, surtout aux Etats-Unis. Les informations recueillies sont traitées par les ingénieurs et chercheur des entreprises japonaises, mais aussi dans les organismes japonais chargés de les collecter et de les analyser.

Les dirigeants japonais vont mettre en place deux organismes d’une efficacité redoutable : Le MITI (Ministère du Commerce et de l’Industrie) et le JETRO (Japan External Trade Organization) ! Le JETRO est créé en 1958. Il s’implante dans le monde entier, partout où les entreprises nippones peuvent faire du business, et fournit des analyses très documentées au ministère du Commerce et de l’Industrie (MITI) créé dès 1945. Le JETRO est considéré comme un véritable service de renseignements. Le JETRO est donc la tête chercheuse du MITI. Ce dernier représente les yeux et les oreilles du gouvernement japonais sur les marchés internationaux. C’est la plaque tournante des informations économiques, scientifiques et technologiques venues du monde entier. Des ouvriers aux mangers, des entreprises aux associations ou fédérations sectorielles, le MITI distribue les informations utiles à la croissance des entreprises nippones. Rien ne lui échappe, aucun brevet, aucune innovation, aucun processus… tout est analysé et recyclé dans l’économie japonaise. C’est une formidable machine de guerre économique qui va permettre au Japon de devenir une puissance économique mondiale de premier plan.

Le JETRO et le MITI vont servir de modèles aux Sud-Coréens et aux Chinois pour rattraper leur retard scientifique et technologique sur le Japon, les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest. En Afrique, les modèles de développement actuels ayant échoué, il est temps de nous inspirer des modèles qui ont fait leurs preuves afin de transformer notre continent en puissance techno-scientifique du 21ème siècle d’autant plus que nous avons tous les atouts pour y arriver : une démographie dynamique, les matières premières stratégiques, les ressources humaines de qualité, des capitaines d’industries de premier plan, la profondeur géographique… !

Adamou BOUBACAR
Professeur de Biotechnologie – Santé – Environnement
Directeur de Sahel Agropole
Président de l’Institut de Défense Globale du Sahel (IDGS)

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