Retrait des pays de l’AES de la CEDEAO : Analyse comparative et leçons à tirer

La décision du Mali, du Burkina Faso et du Niger de se retirer de la CEDEAO[1] s’inscrit dans une série de précédents où des nations ont choisi de se distancer d’unions économiques régionales. Pour évaluer les implications de tels mouvements, il est instructif de les comparer à d’autres cas de retrait historiques. Le précédent de la Mauritanie, qui s’est retirée de la CEDEAO en 2000 pour se concentrer sur l’Union du Maghreb Arabe (UMA) est celui qui vient naturellement à l’esprit.

Un autre exemple notable est le Brexit, où le Royaume-Uni a choisi de quitter l’Union européenne après un référendum en 2016. Bien que les contextes et les échelles économiques soient différents, des parallèles peuvent être tracés, notamment en termes de répercussions sur le commerce, la monnaie et la politique étrangère.

Les leçons apprises des succès et des échecs de ces expériences sont essentielles pour orienter la stratégie économique des pays post-CEDEAO. Le Brexit, par exemple, a souligné la complexité de dénouer les accords commerciaux existants et les défis de la mise en place de nouveaux systèmes de relations commerciales. Il a aussi montré que la sortie d’une union économique peut entraîner une période de volatilité économique et d’incertitude, affectant les investissements et les marchés financiers.

Cependant, il y a également eu des exemples où des pays ont réussi à négocier des accords commerciaux bilatéraux avantageux post-retrait, permettant une certaine résilience économique et une ouverture sur de nouveaux marchés. Cela suggère que pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger, une planification minutieuse, une négociation habile et la recherche proactive de partenaires économiques alternatifs sont cruciales pour capitaliser sur leur nouvelle indépendance économique.

En ce qui concerne l’enclavement des pays du Sahel central, il faut noter que la Suisse est aussi un pays sans littoral et elle n’est pas membre de l’Union européenne. Ce qui ne l’empêche pas d’être l’une des économies les plus dynamiques et innovantes d’Europe et du monde. En 2022, le Pib par habitant de la Suisse[1] s’élevait à 93 259,9 $ américain contre 40 886,3 en France et 37 432,6 la moyenne de l’Union européenne.

Les implications pour la stratégie économique future des pays concernés sont donc multiples. Ils doivent adopter une approche proactive pour assurer la stabilité économique, tout en explorant de manière créative les possibilités de diversification économique et de partenariats internationaux. Cela implique également l’importance de renforcer les institutions nationales pour qu’elles puissent soutenir les transitions économiques et gérer de manière autonome les questions de politique monétaire et fiscale. Par ailleurs, les expériences d’autres pays indiquent que le renforcement des capacités locales et l’investissement dans les secteurs à forte valeur ajoutée sont essentiels pour une croissance économique durable et inclusive à long terme.

Enfin, l’étude des facteurs à l’origine des économies les plus innovantes et compétitives au monde permet de dégager cinq points communs :
1. Un Etat souverain et stratège qui soutient et investit massivement dans la recherche scientifique théorique pour créer de nouvelles connaissances indispensables à l’économie et à la société. L’économie basée sur la connaissance, ressource perpétuellement renouvelable, est devenue la force motrice de ces nations. L’information est le nerf de la guerre économique !

2. Un environnement politique (stable et consensuel), économique, fiscal et social très favorable. Généralement, toutes les couches de la société, dans un esprit de défense globale, acceptent la stratégie définit par l’Etat et y participent activement.

3. Un système éducatif performant avec des universités et des grandes écoles d’excellence afin de disposer de ressources humaines de très bonne qualité et plus particulièrement des ingénieurs orientés vers les secteurs stratégiques de l’économie. Ces pays ont compris que la connaissance et les compétences sont les premières ressources d’une nation.

4. Des entreprises privées qui investissent massivement dans la recherche et le développement pour continuer d’innover et de croitre.

5. Un transfert de technologies des centres de recherche vers les entreprises pour booster l’innovation et créer de la richesse. Il y’a une vraie stratégie nationale de vulgarisation de la connaissance dans tous ces pays afin de créer une vraie culture scientifique qui aidera à mieux comprendre un monde de plus en plus complexe. Ce transfert de connaissances scientifiques et de technologies se fait par l’intermédiaire des « technology managers » comme aux Etats-Unis par exemple, les thèses de doctorat, les articles et ouvrages scientifiques, les colloques et séminaires scientifiques, les conférences/débats, les émissions télé et radio, les réseaux sociaux à travers des influenceurs entre autres…

Adamou BOUBACAR
Professeur de Biotechnologie – Santé – Environnement
Directeur de Sahel Agropole
Président de l’Institut de Défense Globale du Sahel (IDGS)


[1] https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/ny.gdp.pcap.cd?locations=CH consulté le 11/02/2024


[1] SISSOKO, E. F., GUINDO, L. A., & TRAORE, A. L. (2024). L’économie post-CEDEAO : Défis et opportunités pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger. International Journal of Accounting, Finance, Auditing, Management and Economics, 5(1), 289-307. https://doi.org/10.5281/zenodo.10608041

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