STEM (acronyme de Science, Technology, Engineering, and Mathematics), ou STIM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques) en français, est un américanisme désignant quatre disciplines : science, technologie, ingénierie et mathématiques. En 2011, selon l’United States National Research Council et le National Science Foundation, ces disciplines sont centrales aux sociétés technologiquement avancées. Dans son plan stratégique 2024-2033 des sciences au service du développement durable, l’UNESCO veut renforcer les programmes d’éducation aux STEM pour assurer un accès égal des filles et des garçons à ces disciplines[1].
L’intégration des STEM (Sciences, Technologie, Ingénierie, Mathématiques) dès le plus jeune âge est essentielle pour former des citoyens africains ayant un esprit critique aiguisé capables de relever les défis scientifiques, technologiques et environnementaux du XXIe siècle. Les recherches récentes soulignent l’importance d’une approche progressive, combinant pédagogie active, formation des enseignants, interdisciplinarité et neuroscience cognitive[2].
Fondements précoces : De la maternelle au primaire
L’objectif est de cultiver la curiosité naturelle des enfants. Dès l’âge de 3 ans, les enfants peuvent développer des compétences STEM via le jeu guidé (manipulation d’objets, jeux de construction…). Ces activités stimulent le raisonnement logique et la résolution de problèmes, renforçant ainsi les structures cérébrales liées à la pensée scientifique[3]. À cet âge, l’approche ludique et exploratoire permet d’éveiller la « pensée computationnelle » des jeunes africains sans forcément utiliser d’ordinateurs. Des activités simples comme la construction avec des blocs, les jeux de logique, le tri d’objets, ou l’observation de la nature sont d’excellents points de départ. Par exemple, utiliser des blocs pour enseigner les bases de la gravité ou des circuits électriques simplifiés[4].
Le développement de la « pensée computationnelle » passe, d’une part, par le langage et la spatialisation. L’enrichissement du vocabulaire technique (« hypothèse », « expérience ») et les activités spatiales (puzzles, cartes) améliorent la capacité à conceptualiser des phénomènes complexes[5]. D’autre part, elle passe aussi par l’utilisation d’outils technologiques adaptés comme les robots programmables (type Bee-Bot) ou des applications ludiques (Scratch Jr) qui initient au codage dès la maternelle, favorisant ainsi la pensée algorithmique[6].
Approches pédagogiques efficaces
Les études scientifiques montrent qu’un équilibre entre enseignement direct (explications structurées) et apprentissage par projet donne les meilleurs résultats[7]. Les modèles recommandés sont l’explicitation des concepts comme par exemple la démonstration d’une réaction chimique ou la photosynthèse ; la pratique guidée avec rétroaction immédiate ; et les projets ouverts comme par exemple concevoir un système de filtration d’eau[8] ou la construction d’un mini barrage hydroélectrique.
Par ailleurs, beaucoup d’études montrent que le jeu favorise l’engagement, la créativité et la résolution de problèmes, qui sont des compétences essentielles en STEM[9]. Aussi, l’intégration des STEM dans le quotidien des enfants comme l’observation des changements de saison, la mesure des ingrédients en cuisine, la compréhension du fonctionnent des objets simples… permet d’ancrer les concepts STEM dans la réalité des enfants africains[10].
Enfin, l’intégration des arts (STEAM) renforce la créativité et la capacité à résoudre des problèmes complexes. Par exemple, un projet mêlant design 3D (technologie) et étude des écosystèmes (biologie) permet d’aborder la durabilité[11]. L’approche interdisciplinaire renforce l’ouverture d’esprit des enfants.
Formation et soutien aux enseignants
L’enseignement des STEM soulève d’énormes défis comme le manque de confiance des enseignants dans l’enseignement des technologies émergentes (IA, robotique, drone…)[12], le besoin de programmes de formation continue axés sur les pédagogies actives[13] comme les neurosciences cognitives. Pour faire face à ces défis des solutions existent comme les communautés de pratique à travers des plateformes collaboratives où les enseignants partagent des ressources (exemple : scénarios pédagogiques pour Fab Labs). Le développement de partenariat université-école à travers les programmes de mentorat pour actualiser les compétences STEM[14].
Déploiement au collège
Au collège, on peut commencer à introduire des concepts plus formels tout en gardant une approche pratique et connectée au monde réel. Les projets interdisciplinaires qui lient les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques sont particulièrement efficaces.
Les élèves confrontés à des défis réels, comme par exemple optimiser l’énergie solaire dans leur école, développent des compétences en ingénierie et analyse de données[15]. Concevoir un robot simple, construire un pont en tiges de mil, programmer un jeu vidéo basique… Ces activités permettent aux élèves d’appliquer leurs connaissances et de développer des compétences en résolution de problèmes et en travail d’équipe[16]. Des outils comme les microcontrôleurs (Arduino) ou les logiciels de simulation (PhET) facilitent cette approche[17]. Les simulations, les logiciels de modélisation, et les plateformes d’apprentissage en ligne peuvent rendre les concepts abstraits plus concrets et interactifs.
Au lycée, préparer l’avenir et se spécialiser
Au lycée, l’enseignement des STEM peut devenir plus spécialisé tout en encourageant la pensée critique et l’innovation. Il est crucial de montrer les liens entre les différentes disciplines STEM et leurs applications dans le monde professionnel et la recherche.
L’approche par problèmes complexes permet de proposer des défis ouverts qui nécessitent l’intégration de connaissances et de compétences de plusieurs domaines STEM. Par exemple, concevoir une solution pour une problématique environnementale locale comme la lutte contre la désertification ou l’érosion des côtes[18].
Pour aider les lycéens à préparer leur avenir professionnel, il est indispensable de collaborer avec des industries locales pour des stages, des visites d’entreprises, des conférences métiers, de participer à des salons professionnels… pour renforcer la pertinence des apprentissages[19].
Défis systémiques et recommandations
Défi | Solution proposée |
La formation des enseignants | Des enseignants bien formés, passionnés et à l’aise avec les approches pédagogiques innovantes sont indispensables.
|
Inégalités d’accès | Il est crucial de mettre en place des stratégies pour encourager la participation des filles et des élèves issus de milieux défavorisés dans les filières STEM. Subventions pour équiper les écoles rurales en kits STEM low-cost (ex : Raspberry Pi)
|
Manque de coordination | Création d’un référentiel national aligné sur les standards internationaux (NGSS, PISA).
|
Évaluation traditionnelle | Les méthodes d’évaluation doivent aller au-delà de la simple restitution de connaissances et valoriser les compétences de résolution de problèmes, la créativité et le travail d’équipe.
Introduire des portfolios numériques pour valoriser les compétences pratiques. |
Conclusion et perspectives
Développer l’enseignement des STEM de la maternelle au lycée en Afrique est un investissement essentiel pour l’avenir de notre continent. En cultivant la curiosité dès le plus jeune âge, en proposant des approches pédagogiques actives et connectées au monde réel, et en soutenant les enseignants, nous pouvons former une génération de penseurs critiques et d’innovateurs africains. Le développement des STEM nécessite une stratégie holistique, alliant stimulation précoce, pédagogies hybrides (explicite/inquiry), neuroscience cognitive et renforcement des compétences enseignantes. Les études soulignent que cet investissement, bien que complexe, est déterminant pour préparer une génération capable d’innover face aux crises globales et systémiques auxquelles l’Afrique est structurellement confrontée.
Adamou BOUBACAR
Professeur de Biotechnologie-Santé-Environnement
Fondateur et Directeur de Sahel Agropole
Président de l’Institut de Défense et de Sécurité Globales du Sahel
[1] https://www.unesco.org/en/articles/strategic-plan-international-decade-sciences-sustainable-development-2024-2033
[2] https://www.reseau-canope.fr/academie-de-rennes/atelier-canope-35-rennes/actualites/article/sciences-cognitives-et-apprentissages-parlons-en-8.html
[3] https://fpg.unc.edu/sites/fpg.unc.edu/files/resources/presentations-and-webinars/CCC_The_Roots_of_STEM_Early_Learning_0.pdf
[4] https://education.nsw.gov.au/teaching-and-learning/curriculum/stem/about-stem/best-practice-in-stem-education
[5] https://www.icaseonline.net/sei/december2016/p4.pdf
[6] https://onlineprograms.education.uiowa.edu/blog/innovative-approaches-to-stem-teaching-preparing-the-next-generation
[7] https://www.nature.com/articles/s41599-024-04272-y
[8] https://onlineprograms.education.uiowa.edu/blog/innovative-approaches-to-stem-teaching-preparing-the-next-generation
[9] Source : Hirsh-Pasek, K., & Golinkoff, R. M. (2016). Becoming brilliant: What science tells us about raising successful children. American Psychological Association.
[10] Source : National Research Council. (2012). A framework for K-12 science education: Practices, crosscutting concepts, and core ideas. The National Academies Press
[11] https://www.icaseonline.net/sei/december2016/p4.pdf
[12] 281-804-IJETSS202417(2)37-45[Bulgaria]
[13] https://www.nature.com/articles/s41599-024-04272-y
[14] https://www.nature.com/articles/s41599-024-04272-y
[15] https://onlineprograms.education.uiowa.edu/blog/innovative-approaches-to-stem-teaching-preparing-the-next-generation
[16] Source : Blumenfeld, P. C., Soloway, E., Marx, R. W., Krajcik, J. S., Guzdial, M., & Palincsar, A. (1991). Motivating project-based learning: Sustaining the doing, supporting the learning. Educational Psychologist, 26(3-4), 369-398.
[17] https://education.nsw.gov.au/teaching-and-learning/curriculum/stem/about-stem/best-practice-in-stem-education
[18] Source : Hmelo-Silver, C. E. (2004). Problem-based learning: What and how do students learn? Educational Psychology Review, 16(3), 235-266.
[19] https://www.icaseonline.net/sei/december2016/p4.pdf
1 Comments
Kiki
Vivement que nos dirigeants actuels au Sahel et en Afrique en général prennent connaissance de cette nécessité de repenser notre système éducatif depuis la maternelle en ce sens. Le diagnostic est chirurgical, la solution adaptée et efficace. Il faut tout de même des hommes de volonté et courageux pour mener cette politique parce que s’il nous manque encore quelque chose, c’est moins les idées que de bons dirigeants.
Merci cher professeur pour votre travail d’alerte.